Le Bruit du Vent

Vinci débarque en Vercors : du goudron pour des roulettes !

4 Octobre 2013 , Rédigé par Matthieu Stelvio Publié dans #Préservation du Vercors

Vinci débarque en Vercors : du goudron pour des roulettes !

C’est dans le Parc Naturel Régional du Vercors que se situe la plus vaste Réserve Naturelle terrestre de France métropolitaine. Cette réserve nationale de 17000 hectares est d’une richesse exceptionnelle sur le plan de la faune et de la flore. (1)

Villard-de-Lans et Corrençon constituent un important domaine skiable qui jouxte cette réserve. L’impact sur le paysage de cette station est fort : du haut du deuxième plus haut sommet du Vercors (La Grande Moucherolle, 2284m), le panorama est dégradé par un bassin artificiel, des remontées mécaniques, des canons à neige, de larges pistes creusées dans les roches. Toutes ces infrastructures ont fait perdre à de nombreux sentiers de randonnée leurs charmes et leurs beautés.

Un nouveau projet vient impacter la « zone tampon » située entre la Réserve Naturelle et le domaine skiable. Il s’agit de la construction de pistes goudronnées (d’une largeur pouvant atteindre 4 mètres) destinées à la pratique du ski à roulettes. (2)

Il y a de quoi s’interroger sur la pertinence d’envoyer des engins de chantier à proximité de la plus grande Réserve Naturelle de France, sur la pertinence d’abattre des arbres pour déverser du goudron dans une forêt si sauvage dans le simple intérêt de se hasarder à surfer sur la vaguelette d’un épiphénomène sportif pouvant facilement se pratiquer sur les pistes cyclables. Est-il judicieux de construire une route dans un environnement aussi fragile pour permettre à quelques skieurs à roulettes de tourner en rond ? N’y a-t-il pas dans ce projet, qui se surajoute aux infrastructures du ski de piste, un important déséquilibre entre le « bénéfice pour la société » (ponctuel et hasardeux) et « l’impact sur la nature » (irréversible et certain) ?

Il y a quelques années encore, la forêt des Hauts Plateaux du Vercors s’étendait jusqu’à Corrençon. Puis, un bout de forêt a été rasé pour faire un golf. Puis, un autre bout de forêt est rasé pour faire cinq kilomètres d’une route destinée au ski à roulettes. Petit à petit, le goudron remonte jusqu’à la Réserve Naturelle, n’est-il pas regrettable de toujours s’obstiner à réduire l’étendue du plus grand domaine sauvage de France ? Quel sera le prochain épisode ? Un garage « remontées mécaniques » de 655.000 euros à Gresse-en-Vercors ?

Devons-nous nous réjouir du fait que, dans quelques jours, grâce à l’argent des collectivités (plus d’un million d’euros !), Vinci vienne déverser du goudron (3) dans une forêt peuplée de cerfs élaphes, de gélinottes des bois, de hiboux grands ducs, de tétras lyre et de lagopèdes ! (4) Tout ce chamboulement pour une route qui ne mène nulle part ! Pour des roulettes ! N’y a-t-il pas mieux à faire de notre argent ?

Le Vercors est un diamant, nous ne devons pas le grignoter. Sa splendeur appartient aussi à nos héritiers.

(1) http://www.donnees.rhone-alpes.developpement-durable.gouv.fr/include/patnat/znieff2g/3823.pdf

(2) http://www.dauphinordique.com/actus/2013/13juin110.htm

(3) http://www.dauphinordique.com/actus/2014/14oct40.htm

(4) http://www.donnees.rhone-alpes.developpement-durable.gouv.fr/include/patnat/znieff2g/38230003.pdf

Vinci débarque en Vercors : du goudron pour des roulettes !
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G
Matthieu, vous avez raison, depuis le début de l'équipement touristique de la Montagne la technique des promoteurs et aménageurs est restée invariablement la même : celle du pain et du fromage. Un peu trop d'équipements d'hébergement ce qui nécessitent des investissements en équipements de loisirs pour les amortir et ensuite on passe au suréquipements de loisirs qui ne peuvent être eux-même amortis qu'en augmentant la fréquentation, ce qui passe par une augmentation des hébergements et c'est avec cette mécanique infernale que des domaines naturels protégés ont été peu à peu menacés puis bouffés. Et voilà que maintenant on nous sert deux "raisons" pour justifier cette engrenage fou : le réchauffement climatique et l'emploi <br /> <br /> Corrençon avait 374 habitant en 1864, le point le plus haut de son histoire, puis au plus bas 139 en 1954, puis la population atteint maintenant presque le record historique, 357 en 2013, mais je fais remarquer qu'en 1864 il y avait bien moins de familles, car dans chaque famille il y avait au moins 5 ou 6 enfants ! <br /> Alors oui corrençon est plus peuplé de permanents qu'il ne la jamais été !t Et tous ne sont pas des descendants des familles de paysans, loin s'en faut !<br /> <br /> C'est d'ailleurs le cas de tout le Vercors, globalement, <br /> Alors que faut-il faire, continuer ? <br /> Je vous fais savoir que si la montagne s'est dépeuplée au cours du début du 20 ème siècle c'est qu'elle était tout bonnement surpeuplée par rapport à son économie. <br /> <br /> Et Voilà que nous sommes en passe de recommencer : nous allons surpeupler à nouveau la montagne par rapport au travail et emploi qu'elle peut fournir, de quoi engendrer une prochaine exode en effet, mais avant nous aurons porté atteinte au milieu naturel et ce tant que nous aurons pu tirer dessus, jusqu'à ce que la corde casse. <br /> Car il faut le savoir, la surpopulation de la montagne au milieu du 19 eme siècle s'est accompagné d'atteintes au milieu naturel qui s'en est remis peu à peu (déforestation massive par exemple et disparition pour une bonne part de la forêt naturelle de feuillus au bénéfices des résineux (si vous voulez revoir une belle forêt « naturelle du Vercors, il vous reste les Coulmes qui ont été sauvés par hasard, car non replantée en résineux après la déforestation)<br /> <br /> Vous me direz la forêt, résineux ou non a repris ses droits, et c'est tant mieux, et d'ailleurs parfois trop. <br /> Mais les atteintes de la première surpopulation des siècles précédents tout dévastatrices qu'elels furent étaient pour une bonne part toutes réversibles. <br /> Il n'en sera pas de même des friches industrielles que laissera l'industrie du tourisme, car il s'agit bien d'une industrie qui a tendance même à devenir une mono-industrie avec tous les dangers d'une telle situation. L"humanisation et l'urbanisation qui va avec du Vercors atteint un seuil critique si on veut garder un équilibre avec le milieu naturel : c'est tout bonnement ce qui maintenant en cause.<br /> <br /> Franchement qu'est-ce que c'est que cette réponse au réchauffement climatique qui conduit à remplacer la neige par le goudron (que de CO2 rajouté encore !) parce qu'on préssent déjà que la neige artificielle ne pourra pas sauver la fameuse "glisse" ! Ce n'est qu'une fuite en avant, laquelle est du pain béni, puis du fromage béni pour les promoteurs avides de retour sur investissement de 10 %, voire 15 %, quitte à ce que taux usurier ça soit obtenu en bouffant le capital naturel, qui est a nous tous, et pas eux !
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M
Merci pour votre analyse.
S
&quot;Il y a quelques années encore, la forêt des Hauts Plateaux du Vercors s’étendait jusqu’à Corrençon. (faux) Puis, un bout de forêt a été rasé pour faire un golf. (faux) Puis, un autre bout de forêt est rasé pour faire cinq kilomètres d’une route destinée au ski à roulettes (faux). Petit à petit, le goudron remonte jusqu’à la Réserve Naturelle...(Vrai)&quot; <br /> <br /> Bonjour, je peux comprendre ton positionnement car si moi aussi je débarquais comme cela sans connaitre les tenants et aboutissants, je réagirai identiquement.<br /> Je suis septique quant au fait d’avoir goudronnée cette partie naturelle, c'est vrai, cela m’écœure presque, en même temps, ayant vécu à Corrençon durant 10 ans, à avoir eu des petites filles dont les grands parents possédaient des terrains sous le golf, et ayant été élue dans cette même commune, je tiens à réagir.<br /> <br /> Il y a plus de 20 vingt ans, lorsque le tourisme (et donc votre métier d'AMM) sont nés, il a pris le pas peu à peu sur le métier de fermier ou agriculteur en montagne. Nous connaissons aujourd'hui le désastre de l'or &quot;blanc&quot; qui est considérablement plus catastrophique que cette histoire. Mais il faut également comprendre que dans le Vercors (comme dans bien des montagnes), les petites communes ont beaucoup de difficultés pour faire face à cette réalité : l’exode rurale. J’en ai même fait parti. Pourtant les familles comme la mienne permette de conserver l’âme d’un village : une école. Et de plus si les habitants sont concernés par leur environnement comme c’est le cas dans ce village depuis de nombreuses (commune n°1 en Isère pour le développement déplacement doux). <br /> Hélas, si l’emploi n’est pas créé ou remplacé, si une alternative n’est pas proposée, ces gens partiront. Et alors, qui prendra alors, le relais sur la gestion de ce village ? <br /> Il faut savoir qu’il y a un peu moins de 400 habitants à l’année pour plus de 1000 compteurs d’eau. Donc, si les habitants permanents ne s’investissent plus dans leur commune car vont chercher du travail ailleurs, si l’école ferme et que les résidents secondaires prennent la gestion en main. Pour connaitre leurs envies je peux te garantir que les limites ne se limiteront pas à comme actuellement 1,5 km du village, et le village sera de nouveau salé l’hiver et goudronné et de nouvelles routes verront le jour, et pas simplement une petite piste réservées aux piétons et roulettes… <br /> <br /> La piste dont tu parles reste prés du village et empreinte une piste de ski de fond, et sur plus des ¾ un chemin 4x4. Il permet de garantir la sécurité des jeunes qui s’entrainent sur les routes et qui par miracle ne se font pas trop écraser. Il permet un légitimité de ce massif dans ce loisir qu’est le nordique. Il peut permettre une ouverture précoce des pistes nordique, ce qui permettra l’emploi précoce de saisonniers. La réserve n’a pas bougé de place car elle se trouve à 4 km de ces abords. <br /> Le golf quant à lui, pour avoir consulté (et joué dessus) les photos de cette « construction » il a été réalisé dans les prairies existantes et dans le respect le plus total de la nature, (par ses habitants et donc paysans) qui ont voulu donner un emploi à leurs enfants pérennes. Mission réussie car il emploi une vingtaine de personne dont une quinzaine du village (dont les enfants des fameux paysans). Le golf est mon terrain de chasse favori pour les champignons et je peux te garantir que cerfs, écureuils et autre animaux viennent dans ce lieu sans faire de différence avec la parti sauvage. Je sais également que le peu d’engrais utilisé pour l’herbe est naturelle. Comparé à d’autre golf celui n’a pas défoncé ni dévisagé le relief, bien au contraire, il le valorise. Alors certes je trouve cela dommage car certain endroits s’en trouve « élitistes « et les passants en peuvent pas admirer toutes les belles pierres et les belles vues de ce circuit, mais si ce projet n’avait pas vu le jour, est-ce qu’un grand promoteur n’aurai déjà pas fait construire un grand complexe spa ou autre dans le coin ?<br /> <br /> Alors cette boucle certes n’a pas sa place dans cette nature, je suis d’accord, mais il faut savoir donner un peu de souplesse à l’élastique afin qu’il ne se brise pas, et garde le peu d’équilibre que l’on veuille bien lui accorder. Je suis pour que justement cette porte d’entrée vers la réserve reste un village habités par la descendance des agriculteurs et non pas par des gens qui viennent 4 week end /an et réclament du sel et du goudron, des infrastructures dignes de grandes villes. Si l’âme du village disparait c’est la réserve qui sera en danger, réel cette fois-ci. <br /> A ta dispo pour en discuter.<br /> <br /> Cordialement,<br /> SV-
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M
Bonjour Sandrine,<br /> <br /> J'imagine qu'initialement, la forêt ne s'arrêtait pas brutalement à Corrençon. Elle a probablement été coupée pour cultiver la terre ; et ce avec parcimonie, c'est bien possible. Puis, j'imagine que le golf a remplacé les cultures.<br /> <br /> Toutefois, une partie de la forêt a été rasé pour faire cette piste de goudron, notamment le stand de tir. J'ai des photos des immenses tas de bois. De plus, il me semble qu'il est interdit de marcher sur les pelouses pour les non golfeurs ; autrement dit, &quot;les pelouses seraient payantes&quot;.<br /> <br /> Corrençon est un petit village, et je suis pour qu'il le reste. Le domaine skiable de Villard qui est rattaché à Corrençon me semble disproportionné, et a un impact très fort sur la Nature. Ce goudronnage en rajoute une couche. Et par la suite, d'autres couches risquent d'être ajoutées. La piste pourrait se transformer en petit stade de biathlon, puis des tribunes pourraient être ajoutées, puis les parkings agrandis... A force de tirer, à un moment ou à un autre, l'élastique finit par casser.<br /> <br /> Actuellement, le Vercors est encore bien préservé ; et je pense qu'il est impératif d'être très vigilant (cf. le projet de téléphérique Grenoble - Lans et les projets immobiliers qui vont avec). Je ne suis pas pour qu'une partie de Grenoble migre sur les plateaux.<br /> <br /> Pour comparaison, en quelques décennies, l'Oisans a été très fortement dégradé : au début, ça commence toujours par des petits projets, puis ça prend de l'ampleur. Bien souvent, les investisseurs pensent aux bénéfices avant de penser à la lutte contre l'exode rural.<br /> <br /> En tous les cas, aujourd'hui, si l'on compare, en Oisans, le nombre de résidents hivernaux à celui d'il y a 100 ans, c'est tout le contraire de l'exode rural. L'âme des buildings de l'Alpe d'Huez n'a plus rien à voir avec l'âme des paysans d'en temps (qui vivaient avec la Nature).<br /> <br /> Selon moi, les espaces sauvages n'ont pas vocation à devenir des espaces urbains ; il faut préserver la Nature, et accepter de ne pas laisser notre empreinte partout. Je crois que vivre en ville n'est forcément mauvais pour la Nature.<br /> <br /> La lutte contre l'agrandissement des petits villages de montagne ne se confond pas avec la lutte contre l'exode rural.<br /> <br /> Mieux vaut donner une petite alerte et faire vivre un contre-discours plutôt que de se laisser bercer par des journaux détenus par les banques et les investisseurs (Dauphiné, Télé Grenoble, etc.). Au-delà de cette piste de goudron, il faut faire comprendre à certains que le Vercors n'est pas un terrain vierge destiné à être transformé en montagnes de billets.<br /> <br /> Cette piste de goudron n'est pas une catastrophe environnementale, je vous l'accorde, mais c'est un pas qui va dans le mauvais sens. Quant aux emplois qui en découleront, je ne suis pas très sûr que ce soit efficace. A mon avis, la piste de goudron est gratuite et sera très peu fréquentée.<br /> <br /> Bien cordialement,<br /> <br /> Matthieu