10.000 signatures contre le Tour de France à Sarenne
Seconde lettre ouverte au directeur du Tour de France. Envoyée par courriel le 17 avril 2013.
Monsieur,
Nous sommes 10.000 à vous demander de ne pas faire passer le Tour de France au Col de Sarenne. Nous estimons que dans un milieu naturel aussi préservé, l’impact environnemental d’un tel événement n’est pas proportionné à un enjeu déconnecté de l’intérêt public.
Fermée huit mois sur douze, la route pastorale de Sarenne est singulière, la vitesse y est limitée à 20 km/h. Elle se confond avec le chemin de randonnée du Tour des Ecrins. En période de pointe, on y croise tout au plus une voiture toutes les dix minutes.
Jouxtant les trois derniers kilomètres d’ascension, le marais du Col de Sarenne est protégé par un arrêté préfectoral attestant que « le biotope d’une espèce résulte des interactions entre la faune, la flore et les caractéristiques physiques et chimiques du milieu, et qu’une perturbation ou une atteinte portée à l’un de ces éléments peut engendrer un déséquilibre préjudiciable » ; et « qu’il y a [donc] lieu de réglementer les activités sur le périmètre [de la zone humide] afin d’assurer la préservation et la tranquillité de certains biotopes nécessaires à la survie de plusieurs espèces animales protégées ». L’article 7 interdit même toute manifestation sportive sur un périmètre qui sera inévitablement piétiné par la foule du Tour de France !
Au-delà de cet arrêté, la route pastorale de Sarenne traverse la vallée du Ferrand dont la « diversité floristique exceptionnelle [en fait, selon le Conservatoire Botanique National Alpin, l’une] des plus riches régions de France sur le plan botanique » : 758 espèces végétales y sont recensées ! Dans ce vaste espace, on ne dénombre pas moins de 100 espèces animales protégées dont de majestueux rapaces : des aigles royaux, des circaètes Jean-le-Blanc, des gypaètes barbus, des milans royaux, des autours des palombes, des éperviers d’Europe, des busards cendrés… Sur ces pentes vivent également de rares et chétifs coqs sauvages : des lagopèdes, des tétras lyre (dont les petits naîtront une semaine avant le Tour de France). Parmi tous ces animaux, certains sont en danger d’extinction sur la liste rouge européenne, notamment le bruant ortolan, un joli petit passereau ou encore l’azuré du Serpolet, un sublime papillon ! En ces lieux s’épanouissent des mésanges bleues, des mésanges noires, des mésanges huppées, des mésanges charbonnières, des mésanges nonnettes, des mésanges à longue queue, des mésanges boréales… des apollons, des sizerins flammés, des chevaliers guignettes, des hirondelles des roches, des niverolles des neiges … et des dizaines d’autres espèces protégées ! Le Conservatoire Botanique National Alpin estime que « la faune de la vallée du Ferrand est remarquable », et que « l’excellent état de conservation de la plupart des habitats naturels, peu perturbés, permet le maintien d’espèces animales rares ».
Habitués à la plus grande quiétude, tous ces animaux de montagne ont une vie rude, et un stress prolongé peut lourdement impacter leur survie. La perturbation de cet équilibre délicat ne peut se justifier que par un intérêt public majeur, et non par un événement sportif éphémère. Or, c’est pour optimiser le confort des coureurs et des centaines de véhicules qui les accompagnent que des travaux vont être entrepris sur la route pastorale de Sarenne ; et ce, à votre demande, et non à celle de la population locale.
Au-delà des arrêtés préfectoraux, des espaces Natura 2000, des Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique, Floristique et Faunistique, nous défendons une beauté fragile et indicible. Au Col de Sarenne, il n’est pas rare de voir un randonneur s’asseoir et rester un long moment à contempler le paysage, à savourer le silence, à rêvasser face aux Plateaux d’Emparis et aux Glaciers de la Meije.
Essayez de comprendre ce qui nous rattache au lieu que vous voulez utiliser pour votre course. Sarenne, c’est un autre monde, celui de la montagne préservée : notre sentiment, c’est qu’il ne faut pas y toucher ; en tous les cas, pas pour une journée (aussi belle soit-elle) de Tour de France. Ne soyons pas naïfs : si vous commencez à y toucher, d’autres s’en donneront le droit !
Nous ne voulons pas bloquer votre épreuve, nous souhaitons simplement qu’une fois à Huez, le peloton tourne vers Villard Reculas plutôt que vers Sarenne. Au fond, ça n’affecterait que très peu la morphologie de l’étape ; par Villard Reculas, le risque de chute serait même considérablement réduit !
Opter pour Villard Reculas plutôt que pour Sarenne, ce serait changer 10.000 colères en 10.000 sourires !
Donner le sourire, ne serait-ce pas la vocation première du Tour de France ?
Respectueusement,
Matthieu Stelvio
La pétition : http://www.avaaz.org/fr/petition/Non_au_passage_du_Tour_de_France_2013_au_Col_de_Sarenne/