[Fil actu 2014] Revirement : l'Etat abandonne l'abattage total des bouquetins du Bargy (MAJ : 21/11/14)
![[Fil actu 2014] Revirement : l'Etat abandonne l'abattage total des bouquetins du Bargy (MAJ : 21/11/14)](https://image.over-blog.com/rkWN1OvuFhlMkge3AEL59dbmbkk=/fit-in/600x600/filters:no_upscale()/image%2F0467191%2F20140922%2Fob_d703cf_7.jpg)
Vendredi 21 novembre, 23h55 : Revirement : l'Etat abandonne l'abattage total !
Je me souviens lorsque j’ai lancé ma pétition. Personne n’y croyait. On me prenait pour l’hurluberlu du Col de Sarenne. Tout le monde me disait que c’était perdu d’avance, que le dossier était très complexe, qu’il n’y avait malheureusement pas d’autres choix, et que les bouquetins du Bargy seraient tous tués. Le dossier indifférait les journalistes : qu’est-ce qu’un bouquetin après tout ? Malgré l’avis défavorable du Conseil National de Protection de la Nature (que j’ai rendu public), aucune association ne s’opposait aux abattages à l’aveugle. J’ai épluché les rapports scientifiques sur les bouquetins, sur la brucellose, sur le gypaète bargy, les textes de loi... J’ai partagé mes arguments. Je les ai envoyés à Reporterre, à Agoravox, à Rue89 qui les ont jugés pertinents, et qui les ont diffusés. Et c’est ainsi que les abattages qui paraissaient de prime abord inéluctables ont pris une autre dimension.
D'abord à deux (on s'est dit : "- Partant ? - Partante ? Allez, on s'en fiche, on y va !"), puis à trois, puis à quatre, nous sommes allés chercher l’Association de Protection des Animaux Sauvages pour monter un dossier en justice. Nous avons trouvé un avocat, l’avons payé avec de l’argent tiré de nos poches. Nous avons passé des nuits à rédiger notre référé, et avons lancé un procès contre l’Etat… Procès que la Justice a fait traîner, et traîner, et traîner pendant que l’hécatombe continuait… (Après plus d’un an, nous attendons toujours l’audience, ce alors que l'arrêté attaqué est désormais "périmé"…)
Sous la pression d’un syndicat agricole, le préfet s’est obstiné à défendre l’abattage total, et a écarté le monde scientifique en ordonnant l’incinération de plus de 220 cadavres sans aucune analyse biologique ! J’ai rédigé des dizaines d’articles, écrit plusieurs lettres ouvertes, ainsi que de longs argumentaires qui ont progressivement été cautionnés par des associations. En septembre 2013, la FRAPNA et la LPO (qui siègent au CNPN) saluaient les abattages à l’aveugle de tous les bouquetins de cinq ans et plus (75% de la population du Bargy). En décembre 2013, la FRAPNA et la LPO opéraient un revirement en soutenant ma synthèse « Bouquetins du Bargy, laissez-les vivre ! », s’opposaient par la même occasion à tout abattage à l’aveugle, et invitaient à signer la pétition ! En avril, ma lettre ouverte faisait enrager le préfet, et était soutenue par 15 associations dont le Club Alpin Français et WWF.
Jour après jour, nous avons gagné en force et en pertinence. Le mouvement d’opposition a pris de l’ampleur. La FRAPNA n’a plus hésité, et a su se montrer efficace. Nous avons eu des divergences internes, mais elles n’étaient que le reflet de notre dynamisme démocratique. À l’instar d’Isabelle, de Sylvain, de Jean-Pierre et j’en passe, de nombreux citoyens ont organisé des réunions, des manifestations, ont minutieusement observé la faune. Certains sont même allés jusqu’à camper des dizaines de jours sur le massif, et ont pacifiquement fait reculer, le 22 septembre dernier, plus d’une trentaine de tireurs hésitants. Du Canard Enchaîné au Monde, les journalistes ont commencé à s’interroger, à remettre en cause les arguments du préfet… Mandaté pour abattre les bouquetins, l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage s’est même retourné contre le préfet par le biais de son Conseil Scientifique.
Hier, le Conseil National de Protection de la Nature s’est réuni. Les positions du préfet ont été si violemment critiquées que la Ministre de l’Ecologie, Ségolène Royal, qui jusqu’alors était favorable à l’abattage total, a demandé au préfet de renoncer. Ainsi, France 3 explique aujourd’hui qu’on se dirige « vers un abattage exclusif des animaux malades, après l'utilisation d'un test homologué par l’Agence nationale de sécurité sanitaire. »
Cette solution est celle que le CNPN défend depuis le 11 septembre 2013 ; c’est aussi celle que 68000 citoyens demandent au préfet de suivre… Adoptée dès le départ, cette mesure aurait permis d’éviter l’abattage de centaines d’animaux protégés ! Adoptée aujourd’hui, malgré le massacre irréversible des années 2013-2014, elle permettra encore de sauver les vies de centaines de bouquetins ! (Il reste aujourd’hui environ 400 bouquetins dans le massif du Bargy.) J'ai passé des dizaines et des dizaines, voire des centaines d’heures sur ce dossier. Je n’ai pas gagné un centime, mais j’ai tout gagné, car au final, je pense avoir sauvé au moins un bouquetin.
Mais attention : gare aux girouettes ! Si un nouveau revirement de l’Etat était opéré avant que l’ANSES ne rende son nouvel avis, nous saurions nous faire entendre ; il faut donc continuer à partager la pétition ! Si les prochains avis de l’ANSES et du CNPN indiquent que l’abattage des seuls animaux malades est inefficace, je n’exclus pas de réviser mon jugement. La raison doit l’emporter ; et il est d’ailleurs révoltant que le vaccin caprin existant n’ait pas encore été testé sur les bouquetins ! Soyons obstinés, et pensons aussi aux chamois : je sais que pour le moment, tout le monde s’en fiche, mais à force de souffler, le vent tournera !
Vendredi 21 novembre, 14h : Le massacre va reprendre contre l'avis du CNPN !
Suite à la consultation du 20 novembre du Conseil National de Protection de la Nature, j’ai obtenu les retours de deux membres de cette instance.
Le premier retour m’indique que le CNPN n’a pas rendu « d’avis du fait de l’absence de nouveaux éléments le permettant. L’avis sera donné l’année prochaine à l’issue des travaux des experts mandatés par l’ANSES ».
Obtenu indirectement, le second retour est le suivant : « Après mûre réflexion, le CNPN a décidé de rendre un avis sur la demande d'abattage total du préfet 74 : contre 10 voix, pour 2 voix, abstention 1 voix. Une absence de réponse aurait pu être utilisée administrativement et juridiquement contre nous. En conséquence, le préfet 74 a maintenant théoriquement le champ libre pour prendre la décision qui lui conviendra, à savoir un arrêté d'abattage total au plus vite comme il l'a laissé entendre, et ce quel que soit l'avis du CNPN. C'est déplorable, car le risque de transmission de la brucellose est infime et que l'urgence n'est absolument pas avérée. Il se pourrait néanmoins que le cabinet de la ministre et/ou le préfet de Région R-A ne lui demandent d'attendre le rapport de l'ANSES, prévu vers la fin de l'hiver. »
De toute évidence, cette divergence de comptes rendus révèle une tension importante au sein du CNPN, que l’Etat a visiblement mis sous pression. Pour obtenir une dérogation à la protection des Bouquetins des Alpes, l’avis du CNPN est obligatoire mais reste consultatif. En somme, si le CNPN a bel et bien rendu un avis (même défavorable) sur la demande d’abattage total formulée par le préfet, l’Etat peut, dès à présent, ordonner l’éradication des bouquetins du Bargy. Par contre, si le CNPN n’a pas rendu d’avis, l’Etat est juridiquement bloqué, et risque de lourdes peines en cas de nouveaux abattages.
De mon point de vue, le premier retour de cette réunion est le plus sensé : le CNPN doit être à mis à l’écart de toutes les pressions, et ne peut pas avoir rendu un avis avant la publication du nouveau rapport de l’ANSES. Ce serait une aberration scientifique ! De plus, si ce rapport tarde à venir, c’est uniquement à cause du laxisme de l’Etat qui a négligé de saisir l’ANSES en temps voulu (heureusement que les associations ont rattrapé le coup en octobre !) Hélas, le second retour de cette réunion invite à penser que le CNPN a été contraint de rendre un avis (défavorable à 83%) qui semble légalement ouvrir la porte au massacre de tous les bouquetins du Bargy. Ce qui serait un scandale inacceptable et contraire à la raison, dans la mesure où un test simple de dépistage a déjà fait preuve de sa totale fiabilité, et permettrait d’épargner les très nombreux bouquetins sains du massif.
Nous sommes aujourd’hui 67 000 à demander au préfet de la Haute-Savoie de pas ordonner l’abattage des bouquetins indemnes de brucellose, et nous demandons à être entendus ! Les agents de l'ONCFS doivent suivre l'avis de leur Conseil Scientifique (cf. note du 21 octobre de cette page), et désobéir au préfet !
23 heures : Mon premier retour ajoute : "J'ai oublié de préciser que cette absence d'avis avait fait l'objet d'un vote négatif à l'unanimité moins deux voix pour éviter que le préfet dise comme la loi le prévoit qu'au bout de 2 mois, qui ne donne un avis consent..." En résumé : un vote, mais pas d'avis.
Jeudi 20 novembre : Attention aux avalanches
Selon le service interministériel de la communication des services de l'Etat, "le préfet rappelle qu'en raison de chutes de neige exceptionnellement abondantes (près de 80 cm à 1800 m tombés au cours des derniers jours, sur un sol non encore gelé), le risque d'avalanches est réel dans les combes du massif du Bargy. Il rappelle aussi qu'aucune opération de tir sanitaire ne sera engagée tant que les conditions requises pour autoriser les tirs sanitaires par arrêté préfectoral publié ne seront réunies, ce qui peut prendre plusieurs jours."
La tournure très alambiquée du message laisse penser qu'une importante campagne d'abattages se déroulera dans "plusieurs jours".... Le 26 septembre 2013, le délai annoncé d'un mois, c'était transformé en 5 jours ; le préfet expliquera sans doute encore une fois que je manipule l'information, il n'en demeure pas moins qu'une vidéo de France 3 le prouve.
Bref, chers lecteurs : attention aux avalanches, et pas de folie !
Mercredi 19 novembre : Le calme avant la tempête
Jeudi 20 novembre, le Conseil National de Protection de la Nature sera donc consulté sur l'affaire des bouquetins du Bargy. Si le CNPN rend un avis, le préfet pourra légalement ordonner l'abattage des 400 derniers bouquetins du Bargy (qui appartiennent à une espèce protégée).
Le 4 novembre dernier, le préfet a déclaré à la FRAPNA vouloir agir "avant le printemps". L'enneigement étant encore faible pour la saison, une campagne d'abattage massif pourrait donc débuter dès le vendredi 21 novembre. Connaissant les méthodes du préfet, des centaines de bouquetins pourraient être tués en quelques jours, comme en septembre 2013.
Afin de me mettre à l'abri des pressions des forces de l'ordre et de conserver ma liberté de ton, je n'appelle pas à une action de résistance sur les lieux. Ce n'est pas mon rôle. En revanche, je rapporterai volontiers certains faits que les militants de terrain souhaitent partager. Pour rappel, la présence pacifique de militants a fait reculer une trentaine de tireurs le 22 septembre dernier.
Le Conseil National de Protection de la Nature, le Conseil Scientique Régional du Patrimoine Naturel, le Conseil Scientifique de l'Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage, le Syndicat National de l'Environnement, la FRAPNA, l'ASPAS, la LPO, WWF, ARTHEN, le Club Alpin Français et de nombreuses autres associations se sont opposés aux abattages à l'aveugle. Comme l'a demandé le CNPN en septembre 2013, les animaux sains doivent être préservés.
Notre pétition a récolté plus de 67 000 signatures. Le préfet nous a toujours ignorés.
Samedi 8 novembre : Dérapage du préfet !
Le 4 novembre, lors d'un entretien avec la FRAPNA, le préfet aurait affirmé que l’information était manipulée sur les blogs des opposants aux abattages des bouquetins du Bargy, et que cette manipulation déteignait sur les médias nationaux.
À ma connaissance, il n’existe qu’un blog sur le sujet. Je considère donc que le préfet insulte la qualité et la rigueur de mon travail.
Si le préfet estime que je manipule l’information, libre à lui de répondre à mes critiques. Sur ce blog, les commentaires ont toujours été ouverts, et je n’ai jamais pratiqué la censure. Il serait temps que l’Etat s’explique, notamment sur les mises en cause formulées dans le paragraphe « Mutisme, mensonge et malhonnêteté ». J’ai déjà invité le préfet à me répondre, en vain.
Jeudi 6 novembre : Se préparer au pire
Le préfet de la Haute-Savoie est donc contraint d'attendre la prochaine réunion du CNPN, le 20 novembre, avant de publier un nouvel arrêté. Des militants se préparent déjà à une nouvelle occupation du massif, comme le confirme ce document publié par la FRAPNA.
Le laxisme avec lequel l'Etat traite cette affaire est inquiétant. L'ANSES, instance scientifique qualifiée, vient seulement de commencer à étudier le fond de l'affaire et ne devrait rendre ses conclusions qu'en avril 2015, alors que ce travail aurait pu être entrepris au moins un an plus tôt !
N'oublions pas que le rapport publié en septembre 2013 par l'ANSES a été rédigé dans l'urgence, en seulement deux mois. En si peu de temps, les experts étaient passés à côté d'éléments cruciaux, et n'ont pas été capables de prévoir que les abattages à l'aveugle seraient contre-productifs. Les bouquetins n'obéissent pas à des lois mathématiques, et sont loin d'être des sujets scientifiquement appréhendables. Malgré les récents avertissements des spécialistes, le préfet et la ministre de l'Ecologie ne tiennent pas compte de cette complexité lorsqu'ils défendent l'abattage total.
Au-delà de la mise en scène médiatique, je regrette l'absence d'écoute de la préfecture à l'égard de notre pétition.
Mardi 21 octobre : Avis du conseil scientifique de l'Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS)
"Le Conseil scientifique de l’ONCFS déplore la précipitation avec laquelle a été menée une opération d’abattage de bouquetins dans le massif du Bargy. A cette précipitation, qui a empêché toute évaluation des conséquences sur la population et son état sanitaire, s’est ajoutée l’absence de tout recueil de données, notamment sanitaire, des animaux abattus. Cette absence de recueil de données est scientifiquement inacceptable, privant d’informations précieuses pour l’avenir, notamment pour éclairer la gestion de l’épidémie dans cette population de bouquetins. Une vision systémique croisant différentes approches et disciplines est indispensable pour proposer et mettre en oeuvre des mesures de gestion à la hauteur des enjeux." Cet avis, adopté à l'unanimité le 10/09/2014, fait suite aux avis du CNPN, du CSRPN, du Groupe National Bouquetins... On finirait presque par croire que l'Etat blaguait en prétendant devant le juge des référés que les scientifiques étaient favorables aux abattages à l'aveugle. Ce sont des agents de l'ONCFS qui ont procédé à tous les abattages de bouquetins ; l'Etat est donc une nouvelle fois discrédité en son sein. (Le Syndicat National de l'Environnement s'est également prononcé contre le préfet.)
Mercredi 15 octobre : Abattage total, sursis jusqu'au 20 novembre
Hier, le Conseil National de Protection de la Nature (CNPN) s'est réuni, et a étudié l'affaire des bouquetins du Bargy sans accepter de se prononcer sur la demande d'abattage total formulée par le préfet de la Haute-Savoie. Ce refus rend le contexte juridique complexe, et nous étions nombreux à nous interroger sur la légalité d'un éventuel arrêté, publié ce jour et ordonnant l'abattage total des bouquetins du Bargy.
Hier et ce matin, des survols d'hélicoptères ont été observés au-dessus du massif. Plusieurs militants-campeurs étaient sur place afin d'attendre les éventuels tireurs, et de prendre des photos témoignant du massacre (en octobre 2013, 197 bouquetins ont été abattus en 2 jours).
Théoriquement, pour publier un arrêté, le préfet a besoin que le CNPN rende un avis (article L 411-2-4° du code de l'environnement) ; ce que le CNPN refuse, car pour rendre un avis, le CNPN, qui n'est pas uniquement composé de scientifiques, a besoin des analyses de l'ANSES, centre de référence de la brucellose reconnu par les Nations Unies.
Face à l'ambiguïté, le préfet a tenu à clarifier la situation, et se serait engagé à ne lancer aucune campagne d'abattage avant la prochaine consultation du CNPN, le 20 novembre. De son côté, l'ANSES pourrait ne pas rendre d'avis avant avril 2015. Ce délai est sans doute la conséquence d'un manque de moyens, assez inquiétant compte tenu de la gravité du dossier. Toutefois, même sans les analyses de l'ANSES, certains ministères pourraient faire pression sur le CNPN pour qu'un avis soit rendu lors de sa prochaine consultation. Le cas échéant, même si cet avis était défavorable à l'abattage total, le préfet aurait a priori juridiquement le droit de passer outre. Mais si le CNPN continue à bloquer le dossier, le préfet semble lui aussi bloqué. Si l'Etat formulait des demandes moins radicales au CNPN, celui-ci serait sans doute plus enclin à s'exprimer.
Pour rappel, les signataires de la pétition s'opposent aux abattages à l'aveugle. Si les bouquetins étaient testés avant d'être abattus, certaines tensions seraient donc apaisées, notamment sur le terrain. MS
Samedi 11 octobre : Avis aux tireurs de l'Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage
"Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. Il n'est dégagé d'aucune des responsabilités qui lui incombent par la responsabilité propre de ses subordonnés." (Article 28 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.)
Tous les éventuels tireurs s'exposent donc à des poursuites judiciaires, si le préfet de la Haute-Savoie ordonne des abattages ne respectant pas les articles L 411-2-4° et L 120-1-1° du code de l'environnement. MS
Mercredi 8 octobre : D'importants abattages sont assez probables dès le 15 octobre
Le 3 octobre 2014, le préfet de la Haute-Savoie a demandé au Conseil National de Protection de la Nature un avis concernant l’autorisation d’un abattage de tous les bouquetins du massif du Bargy.
Alors que des associations siégeant au CNPN m’indiquaient que la prochaine réunion aurait lieu mi-novembre, je viens d’apprendre qu’une consultation était prévue le 14 octobre.
Une fois que le CNPN aura émis un avis (favorable ou défavorable) à la question posée, le préfet pourra ordonner l’abattage de tous les bouquetins du Bargy. La consultation du CNPN est obligatoire, mais le préfet, peu soucieux du code de l’environnement, feint de croire avoir le droit de passer outre, ce quelles que soient les arguments avancés par le CNPN.
En conséquence, je pense que des campagnes d’abattages massifs pourraient se dérouler du 15 au 31 octobre. Toutefois, en l’absence de saisine de l’instance scientifique qualifiée (ANSES), le CNPN pourrait une nouvelle fois refuser de se prononcer. Dans ce cas, la situation juridique serait complexe, et il n'est pas exclu que l'Etat passe en force.
Pour rappel, du 1er novembre au 31 août, un arrêté protégeant le gypaète barbu limite très fortement les survols d’hélicoptères, et empêche a priori les tirs massifs. Le préfet indiquant dans sa demande au CNPN vouloir éliminer tous les bouquetins du Bargy entre octobre 2014 et avril 2015, le créneau est donc très mince. Je ne serai pas étonné que 300 bouquetins soient abattus avant la fin de ce mois d’octobre. Ces dernières semaines, des hélicoptères militaires se sont entraînés à déposer de potentiels tireurs sur les points stratégiques du massif, ce qui a conduit la FRAPNA à envisager le scénario d’une opération héliportée. MS
Vendredi 3 octobre, 20h40 : Réaction à l'intervention télévisée du préfet
Lundi 29 septembre, le préfet de la Haute-Savoie s’est exprimé sur France 3. Il a de nouveau affirmé vouloir procéder à un abattage total des bouquetins du Bargy. Pour cela, la loi l’oblige à consulter le Conseil National de Protection de la Nature. Toutefois, mardi 30 septembre, le préfet indiquait que si le CNPN émettait un avis défavorable à sa demande, il pourrait passer outre cet avis ; ce qu’il a déjà fait l’an dernier. Mais sur le plan légal, le préfet se trompe, car si le CNPN propose une solution scientifiquement plus satisfaisante pour la préservation de ces mammifères protégés et pour la santé publique, l’article L 411-2-4° du code de l’environnement interdira à l’Etat de procéder à l’abattage de tous les bouquetins du Bargy.
Sur France 3, en l’absence de contradicteurs, le préfet a de nouveau osé affirmer que sa demande d’abattage total se basait sur des études scientifiques robustes. Ce qui est faux. Ainsi, depuis l’an dernier, l’Etat n’a même pas fait l’effort de saisir l’Agence National de Sécurité Sanitaire (ANSES), centre de référence pour la brucellose reconnu par les Nations Unies. En septembre 2013, cette agence évoquait pourtant un « paysage de connaissances très incomplet », mais l’Etat procéda tout de même à des abattages massifs. En décembre 2013, le vice-président du CNPN indiquait que la préfecture avait donné ordre de ne pas effectuer de prélèvements sur les cadavres de centaines de bouquetins, ce qui porta irrémédiablement atteinte à l’étude du dossier. En juin 2014, le président du Conservatoire des espaces naturels de Haute-Savoie corroborait ce propos. Dans la foulée, le Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel, le Conseil Scientifique de l’Office National de la Chasse et le Syndicat National de l’Environnement (SNE) déploraient cette absence de recueil de données (le SNE est le syndicat qui représente les personnels dépendant du ministère de l'Écologie). Face à ces carences, le 17 septembre 2014, le CNPN déclarait ne pas disposer d’assez d’éléments scientifiques pour examiner les nouvelles demandes d’abattages du préfet, et demandait de nouvelles expertises. En conséquence, contrairement à ce que laisse entendre le préfet, la science ne cautionne absolument pas ses prises de position.
Sur France 3, le préfet a par ailleurs prétendu vouloir abattre tous les bouquetins du Bargy pour préserver l’ensemble des bouquetins de tous les autres massifs. Il est démagogique de prétendre que cette infection risque de s’étendre à tous les bouquetins des Alpes, car ces animaux sont très sédentaires, ont des mouvements migratoires cycliques et saisonniers de très faible amplitude, et n’iront jamais franchir certains obstacles tels que des autoroutes ou certaines vallées. En 2013, suite à des prélèvements réalisés sur le tiers de la population des bouquetins des deux massifs adjacents au Bargy, l’ANSES établissait que l’infection était cantonnée au Bargy... depuis 1999. Si les bouquetins changeaient régulièrement de massifs, la maladie se serait déjà propagée aux Aravis. Déconnecté des réalités scientifiques, le préfet se trompe de solution. Ainsi, Dominique Gauthier, vétérinaire spécialiste de la faune sauvage, explique, ce mois-ci, dans Sciences et Avenir, que les abattages massifs déstabilisent les populations, qu'ils provoquent des fuites et des mouvements migratoires susceptibles de propager la maladie au lieu de l’enrayer. En septembre 2014, le Groupe National Bouquetins a déposé une motion demandant de « surseoir à toute répétition de l’intervention 2013, suspecte d’avoir eu des effets collatéraux aggravant le risque sanitaire ». Après lecture du dernier rapport de l’ONCFS, il s’avère que les campagnes d’abattages à l’aveugle ont gravement accéléré la propagation de la maladie au sein des bouquetins survivants ; ce qui ne serait pas arrivé si le préfet avait suivi les recommandations du CNPN, à savoir l’abattage sélectif des animaux malades.
En annexe : lettre du Syndicat National de l’Environnement envoyée à la ministre le 25 septembre 2014 ; communiqué de presse inter-associatif ; et motion du Groupe National Bouquetins (commentaire n°13 de cette page). MS
Mardi 30 septembre, 22h30 : Le préfet demande un abattage total, mais attend l'avis du CNPN
Le préfet de la Haute-Savoie a confirmé qu'il ne reconduirait pas l'arrêté du 01/10/2013, mais a aussi indiqué qu'il demandait à nouveau au Conseil National de Protection de la Nature (CNPN) de se prononcer sur l'abattage de tous les bouquetins du Bargy.
La prochaine réunion du CNPN aura lieu en novembre. D'ici là, tout abattage est illégal puisque l'arrêté du 01/10/2013 prend fin ce soir à minuit.
Alors que les pneus de plusieurs voitures "de militants" ont été crevés, la FDSEA a qualifié les militants de terrain de "bisounours", d' "écologistes extrémistes en goguette" et "d'imposteurs oisifs". Il n'est pas judicieux de caricaturer certaines revendications. Lutter contre la propagation de la brucellose est impératif. La pétition "Stop à l'abattage des bouquetins du Bargy" ne s'oppose pas aux abattages des animaux malades. Il est techniquement possible de tester les bouquetins avant de les abattre, et donc de préserver tous les animaux sains : le CNPN le recommande (cf. Tout savoir sur le massacre des bouquetins du Bargy).
Les craintes des agriculteurs sont compréhensibles, et leur travail estimable. Je n'oublie pas qu'en 2012, un troupeau d'une vingtaine de vaches a été abattu à cause de la brucellose (j'espère que l'Etat a accompli son devoir d'indemnisation). Je n'oublie pas non plus que deux personnes ont été touchées suite à la consommation de fromage provenant de ce troupeau. Il y a des peurs légitimes, mais celles-ci ne doivent pas occulter les analyses scientifiques.
Cette transmission de la faune sauvage à la faune domestique n'est survenue qu'une seule fois en quinze ans ; et le risque que cette transmission se réitère est extrêmement faible (ANSES, 2013). Plusieurs épidémiologistes s'accordent à dire qu'il n'est pas raisonnable d'utiliser les mêmes méthodes pour éradiquer la brucellose en "milieu domestique" et en "milieu sauvage" (sur ce point, il est bon de rappeler que l'éradication de tous les bovins du Bargy n'a jamais été envisagée).
En suscitant la panique, les abattages massifs déstabilisent les populations de bouquetins, et créent des dynamiques reproductives et des mouvements migratoires nouveaux qui sont susceptibles de propager la brucellose aux massifs voisins. Dans sa récente motion, le Groupe National Bouquetins semble reconnaître que les campagnes d'abattages massifs ont aggravé la situation sanitaire.
Si le vaccin caprin commercialisé par Vétoquinol avait été testé sur les bouquetins dès 2012, le problème serait peut-être résolu. MS
Samedi 27 septembre, 00h30 : L'Etat sur le point de renoncer à la force ?
Suite à l’embarrassant communiqué publié par la FRAPNA, le préfet a été très réactif, et s'est engagé, dans la nuit de vendredi à samedi, à n'ordonner aucun tir d'ici au 1er octobre, et à ne pas prolonger l'arrêté qui se termine le 30 septembre. Le préfet s'est également engagé à lancer une nouvelle saisine du Conseil National de Protection de la Nature (CNPN) afin de lutter contre le foyer de brucellose présent en Bargy. Si le préfet tient sa parole, aucune décision ne sera prise avant que le CNPN n'ait rendu un nouvel avis. En tant qu'initiateur de la pétition Stop au massacre des bouquetins du Bargy signée par plus de 62 000 personnes et soutenue par 20 associations, je ne peux qu'approuver cette nouvelle prise de position, et attends de lire les nouvelles analyses des instances scientifiques qualifiées, tout en rappelant que le risque de transmission de la brucellose aux bovins est extrêmement faible, particulièrement en cette période automnale.
Il n'en demeure pas moins que cette décision ne peut faire oublier les abattages précédents. Entre octobre 2013 et juin 2014, des centaines de mammifères protégés ont été tués contre l'avis du CNPN.
La FDSEA doit apaiser ses propos si elle souhaite éviter que les "pro-bouquetins" perdent leur fair-play : malgré la demande d'éradication formulée par le syndicat agricole, aucun appel au boycott n'a été lancé. Si le préfet ne tenait pas sa parole, la situation s'envenimerait dangereusement. Ce n'est ni au "lobby écologiste" ni au "lobby agricole" de trancher, mais à la raison.
En attendant le 30 septembre, date d'expiration d'un arrêté mis en cause par de nombreux scientifiques, les militants dorment toujours là-haut ! MS
Vendredi 26 septembre, 20h00 : La FRAPNA lance une alerte rouge
Les observateurs sur le Bargy ont remarqué durant toute la semaine des mouvements d'hélicoptères de transport de troupes, du type de ceux utilisés par les chasseurs alpins, dans plusieurs secteurs du Bargy, notamment sur le plateau de Cenise et ses abords.
Des spécialistes estiment qu'il s'agissait d'un entrainement de dépose et de reprise d'agents en vue d'une opération héliportée d'abattage des bouquetins du Bargy, probablement programmée pour le lundi 29 au matin. L'opération terrestre du lundi 22 ayant échoué, la voie des airs est très probable. Notons également que l'arrêté préfectoral du 1er octobre 2013, autorisant l'abattage de tous les bouquetins de 5 ans et plus, arrive à expiration mardi 30 septembre au soir, et que le Préfet de Haute-Savoie a convié la presse pour lundi soir. Une guerre sur le Bargy est-elle en préparation ? Source : FRAPNA Parallèlement, le Groupe National Bouquetins vient de déposer une motion spéciale demandant "de surseoir à toute répétition de l’intervention 2013, suspecte d’avoir eu des effets collatéraux aggravant le risque sanitaire". Les résistants sont toujours là-haut. Libération, Le Monde, Le Point et Le Canard Enchainé se sont intéressés à cette affaire, et leur analyse donne clairement raison aux opposants des abattages massifs à l'aveugle. Partagez ces informations et la pétition. MS
Mercredi 24 septembre : La météo offre du sursis
Météo défavorable aux tirs aujourd'hui, mais les résistants restent en place.
Mardi 23 septembre, 21 heures 10 : L'Etat fait monter la pression
Témoignage d'un militant : Vers midi, un très grand hélicoptère de l'armée a survolé le Bargy (voir les photos 3 et 4). Cet hélicoptère aurait a minima déposé 2 personnes à Cenise et 1 personne au Col du Rasoir, puis aurait fait du rase-motte pour rassembler une trentaine de bouquetins au-dessus de Combe Sotty, l'envers du Lac Peyre. Cette perturbation de la faune (bouquetins et gypaètes) est a priori illégale ; et des poursuites pourraient être prochainement engagées. Dans l'après-midi, des militants ont reçu la visite des "renseignements généraux". MS
Mardi 23 septembre, 12 heures 20 : L'Etat recule de nouveau face aux résistants
Témoignage d'un militant : "Hier, lundi 22 septembre, et aujourd'hui, mardi 23 septembre : deux jours que les gardes rebroussent chemin, que le préfet recule, voyant qu'à l'aube, il y avait déjà du monde dans le massif, du monde pour occuper le terrain et s'opposer [aux abattages massifs à l'aveugle] des bouquetins." Source : Camptocamp
Lundi 22 septembre, 14 heures 30 : Opération lancée, puis annulée
"Pour répondre à l'arrêté préfectoral pris il y a près d'un an, une trentaine d'agents de l'ONCFS était donc à leur poste, ce lundi matin, pour abattre de nouveaux bouquetins de plus de 5 ans. Mais l'info avait visiblement circulé sur les réseaux sociaux. Du coup, des défenseurs des animaux ont pris le chemin du col de la Colombière. Les deux camps s'observant en pleine nature, les agents de l'Etat ont pris la décision de stopper l'opération." Extrait : France 3
"Il y a de la présence partout sur le massif avec des gens en bivouac ou sous tente. On vient manifester notre mécontentement" explique un militant, membre d'une association de défense de la nature. Il a passé la nuit de dimanche à lundi dans le massif du Bargy. "C'est une action citoyenne pacifique. Il n'est pas question de se mettre entre le fusil et le bouquetin, c'est sûr. Éliminons d'abord les animaux malades mais arrêtons cette vague de violence contre tous les animaux quels qu'ils soient". Extrait : France Bleu. Alors qu'un test de terrain existe, l'Etat refuse toujours de faire le tri entre les animaux sains et les animaux malades, et ce contre l'avis du Conseil National de Protection de la Nature.
Merci à ces personnes de conviction, mais prudence, la semaine est encore longue. A ma connaissance, les militants présents sont arrivés avant que le massif soit bouclé : leur action est donc légale. L'arrêté prend fin le 30 septembre. Au-delà de ce délai, tout abattage sera illégal. L'Etat va donc lancer plusieurs opérations d'ici là. Quoi qu'il en soit, même si certains secteurs du massif du Bargy sont bouclés dans les prochains jours, tout citoyen peut légalement circuler en territoire libre et utiliser le zoom de son appareil photographique ou de sa caméra, afin de montrer l’horreur d’un massacre que l’Etat cherche à masquer. Je rappelle que je n'appelle à aucune action illégale. MS
Dimanche 21 septembre, 20 heures
Des cars de CRS sont présents dans le massif du Bargy.
La pétition : http://avaaz.org/fr/petition/Petition_Stop_a_labattage_des_bouquetins_du_Bargy
Pour connaître les détails de cette affaire, je vous invite à lire le rapport Tout savoir sur le massacre des bouquetins du Bargy.